Les sciences humaines dans les parcours scientifiques et techniques professionnalisants : quelles finalités et quelles modalités pratiques ?
7-8 févr. 2013 Créteil (France)
Un département d'Humanités en école d'ingénieurs : le social fait la technique
Pierre Lamard  1@  , Yves Lequin * @
1 : Recherches et Etudes sur le Changement Industriel, Technologique et Sociétal  (RECITS)  -  Site web
Université de Technologie de Belfort-Montbeliard : EA3897
90010 BELFORT Cedex - FRANCE -  France
* : Auteur correspondant

 

Eléments factuels

En 1972, une université de technologie fut créée à Compiègne, comme première pierre d'un troisième type d'établissement, situé en résultante des universités et des écoles d'ingénieurs. Une de ses pièces maîtresses fut l'inclusion d'un département des sciences de l'homme, avec obligation pour les futurs ingénieurs d'obtenir un tiers de leurs UV en SHS.

 

Les Humanités à l'UTBM (1985-2012)

Dès 1985, des enseignants assurent de tels enseignements puis un département est conçu en 1993. Ces vingt ans d'évolution permettent de mesurer les enjeux de ce type de formation. La structure compte aujourd'hui une quarantaine d'enseignantsCette montée en puissance très volontariste s'accompagne de la mise en place d'un laboratoire de recherche, en 1999, devenu EA.

Aujourd'hui, l'activité de l'ingénieur se situe constamment à la croisée des sciences humaines et sociales et des sciences de l'ingénieur. Il ne peut plus se contenter de ses seules connaissances scientifiques et techniques. La complexité des processus décisionnels et opérationnels, les pratiques de l'ingénierie collaborative l'amènent quotidiennement à interpeller des champs disciplinaires qu'il avait tendance à classer comme périphériques dans son cursus.

Cette analyse place cette expérience dans l'évolution du paysage universitaire, en relation avec les inflexions institutionnelles nationales (CTI, AERES...). Mais l'ambition du département (comme à l'UTC et l'UTT), dépasse la simple perspective d'une professionnalisation efficiente des diplômés. Cette ambition relève aussi d'une certaine idée de citoyenneté. L'enjeu est bien d'aborder de façon responsable la complexité sociotechnique du monde contemporain.

 

 

La technique c'est l'humanité

Une réflexion théorique sur la technique est associée à ce type de formation associant sciences de l'ingénieur et sciences humaines et sociales. Elle se situe à la fois à la fondation de l'UTC en 1972, dans le sillage de Simondon, Deforge, et comme prolongement des deux décennies d'expérimentation, de pratique et de recherches scientifiques à l'UTBM.

La technique est non seulement humaine, sorte de prolongement de la biologie (Kapp, Leroi-Gourhan), elle porte aussi l'empreinte de la société qui l'a vu (et fait) naître, et qui en use (Mauss, Haudricourt, Sigaut, etc.). La technique a toujours une dimension politique, au sens où elle transforme les rapports humains et sociaux (Akrich).

Dans les années 1950, des rapports invoquent l'utilité d'un enseignement généraliste, pour des raisons utilitaires (donner une culture générale afin de faire bonne figure en société, faciliter son travail de régulation des incidences sociales de son action, etc). La question nous semble beaucoup plus large et d'abord en amont. Pour le concepteur aussi bien que pour l'ingénieur qui organise une production, il s'agit d'abord de percevoir le social qui se trouve dans toute technique et qui la structure. De ce fait l'enseignement en sciences sociales sert d'abord à comprendre les processus techniques eux-mêmes.

Fondée sur la formation d'ingénieurs, cette réflexion sur un enseignement d'humanités associé à une recherche en SHS, pourrait probablement s'élargir à d'autres spécialités techniques et professionnelles et dans de Grandes Ecoles telles que les ENS, HEC ou l'ENA. Elle pourrait enfin s'intégrer à une réflexion qui (au-delà de l'enseignement) interpelle les citoyens sur l'opportunité d'une démocratie technique.

 


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