Nous interrogeons l'expérience pédagogique menée à l'Ecole Centrale Marseille, à partir du cas des enseignements de sociologie des organisations, du travail et des entreprises, et des démarches pédagogiques relevant de l'accompagnement des étudiants dans leur « développement personnel et professionnel » (DPP). Ces activités participent chacune à la préparation professionnelle des élèves. Nous montrerons qu'elles sont toutefois relativement étanches sur un plan institutionnel et hétérogènes quant à leurs modalités et à leurs finalités, pour nous interroger ensuite sur les conditions et les enjeux d'une plus forte articulation entre elles.
L'UE DPP mobilise des enseignants de différentes disciplines dans une démarche d'accompagnement des élèves. L'objectif est d'amener l'étudiant à une meilleure connaissance de soi et à se situer comme acteur de sa formation et de son projet professionnel. Ces ateliers mobilisent les situations de travail, les expériences scolaires et associatives traversées par les étudiants comme autant d'occasions d'identifier leurs préférences, leur positionnement dans un groupe de travail, les environnements propices à l'expression de leur personnalité. Les outils mobilisés en séance sont présentés aussi en tant qu'outils contemporains du management en entreprise (test M.B.T.I., évaluation à 360°...).
Les enseignements de sociologie revêtent des modalités plus traditionnelles. Intitulé « Management », le cours commun développe les problématiques contemporaines liées à la modernisation des entreprises. Dans l'enseignement optionnel de sociologie des organisations l'accent est mis sur l'analyse conceptuelle des structures organisationnelles et des relations interpersonnelles.
Du point de vue de leurs finalités, ces activités interrogent la tension entre une logique instrumentale visant à court terme l'employabilité, l'adaptabilité et l'efficacité professionnelles des ingénieurs diplômés, et une logique conceptuelle, mettant l'accent sur la formation de la capacité de distanciation critique.
Penser cette tension et concevoir relativement à elle une pédagogie intégrée constituent précisément une mission dont s'est saisi le Labo Sociétal, entité interne récemment créée pour organiser la réflexion sur la place des sciences sociales et des humanités dans une école d'ingénieur et pour stimuler des initiatives.
C'est dans ce cadre institutionnel qu'est conçu notre enseignement de sociologie à l'adresse de futurs ingénieurs, intellectuels de l'action appelés à prendre des décisions et endosser de fortes responsabilités, tout en faisant preuve d'une capacité de distanciation et de réflexivité à l'égard de ces situations.
Apprendre à être immergé et en surplomb : c'est la proposition faite à l'étudiant qui participe à la fois aux activités de « développement personnel », relativement utilitaires et conformistes par rapport aux modes managériales contemporaines, et qui apprend, en sociologie, à resituer ce courant issu de la psycho-sociologie dans un panorama théorique pluraliste et dans un contexte socio-historique contingent.
Quels enjeux de cette articulation pour la formation des futurs ingénieurs-managers ? 1/ concevoir les liens problématiques entre une approche du management centrée sur la personnalité de l'individu et une approche macrosociologique et structurelle des organisations ; 2/ dépasser la logique d'optimisation et de rationalisation en reconnaissant aussi les dynamiques collectives informelles, les dimensions culturelles, sociales et psychiques au cœur des activités de travail ; 3/ manager les situations de travail complexes en tant que personne responsable, notamment au regard des enjeux de santé au travail.
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